On attaque les derniers bords avec Bateaux N° 234 Novembre 1977, dont je me permets de republier la couverture après Renan, qui est passé assez brutalement du Vermeero-surréalisme au néopointillisme-jpegisé...
Lequel ne manque pas de charme, mais ne permet que difficilement d'apprécier le joli pont du Corsaire, en haut à droite (quelle ligne!).
Puis les "Enseignements de la course", long et dense article technique de D Maupas, et enfin "le jaugeage" par Pierre Gutelle.
Demain les dernières photos.
Et après vous allez un peu me lâcher avec vos micros, que je puisse retourner à mes Corsaire
MICRO-CUP
LES ENSEIGNEMENTS
DE LA COURSE
La première Micro Cup courue en septembre à Lorient s'est avérée
riche d'enseignements. Elle a permis de lever des incertitudes et
de dégager les meilleures solutions, bien qu'un régime de vents faibles
pendant une grande partie des épreuves ait profité sans aucun doute
à un certain type de voiliers.
Il ne semble pas que le poids des
coques ait été déterminant dans les
résultats. Toutefois, on notera
qu'aucun des dix premiers bateaux,
à part Nuits blanches de conception
très particulière, ne dépasse
500 kg. N'oublions pas que le poids
de l'équipage joue un rôle tout aus-
si important et peut varier aisément
de près de 50 kg d'un bateau à
l'autre. L'expérience des coques en
sandwich n'apparaît pas concluan-
te du point de vue de la légèreté. En
revanche, le bois moulé donne de
bons résultats et se prête à la cons-
truction amateur.
Comment gagner du poids ?
La différence entre les deux pro-
totypes Edel ll montre que l'on peut
gagner presque 40 kg sur le pont
d'un Microcupper utilisant des ren-
forts comme le microballon, par
rapport au stratifié utilisé pour la sé-
rie. Une constatation analogue a
été faite par le constructeur des
Cap Baba qui a trouvé qu'un pont
en sandwich balsa polyester dépas-
se de 15 kg un pont en stratifié clas-
sique raidi par des omégas et des
pièces de feutre microballons.
Quant au contreplaqué, il est clair
qu'il faut bien surveiller les échantil-
lonnages pour éviter de mauvaises
surprises. Un bateau construit en
9 mm accusait 625 kg à la pesée.
Un autre concurrent nous a raconté
que la coque de son vieux Corsaire,
une fois le lest démonté, pesait
550 kg !
Nous nous sommes rappelé à ce
propos les doléances de certains,
regrettant que la Micro Cup encou-
rage des bateaux trop lourds pour
les techniques de construction mo-
dernes.
D'autres nous avaient reproché
de ne pas assez favoriser les déri-
veurs ou les bateaux à quille rele-
vable, formules souhaitées par la
grande majorité des croiseurs cô-
tiers, mais souvent écartée par les
constructeurs pour des raisons de
prix de revient. Les 10 cm de tirant
d'eau supplémentaires, accordés
par rapport aux quillards, ont suffi
pour décider de nombreux concur-
rents, dont les huit premiers, à pro-
fiter de cet avantage déterminant,
semble-t-il.
Nous avons noté que les cinq
premiers avaient choisi la surface
de grand-voile maximale permise
. par le règlement. Cette option logi-
que a d'autant mieux servi ceux qui
l'avaient prise que le petit temps a
favorisé les bateaux munis de
grand-voiles importantes.
Tous les bateaux de tête étaient
équipés sur les Flying Dutchman.
Le problème du contrôle de ce pro-
fil s'est avéré primordial.
Ainsi les deux Cap Baba ont telle-
ment amélioré leurs performances
en pinçant leurs barres de flèches
pendant la journée de repos. Il faut
également préciser que ces bateaux
étaient équipés de haubans montés
sur rails, permettant des réglages
instantanés, à condition de savoir
s'en servir. Au fil des régates, les
progrès en vitesse pure, très nota-
bles, ont démontré l'intérêt de ré-
glages précis sur des coques aussi
sensibles.
Les équipages, habitués à la
compétition en dériveur, ont mon-
tré l'intérêt de bien maîtriser la for-
me des voiles. Les bateaux de tête
avaient également emprunté au dé-
riveur le tangon automatique qui,
rangé le long de la bôme, vient en
position de travail en halant un bout
frappé sur une poulie devant le mât.
Sur des bateaux de cette taille,
l'envoi d'un équipier à l'avant ne
peut être que nuisible. Toutefois,
peu de bateaux avaient adopté
l'avaleur de spi qui pose des problè-
mes d'étanchéité et s'accommode
mal des volumes imposés pour les
emménagements.
Les premiers
CAP BABA. Construit par
l'A.A.C.A.P., le constructeur des
Cap Corse en kits, le Cap Baba du
vainqueur a été dessiné par Jean
Berret qui a joué à fond la carte de
la surface mouillée minimale. Il en
résulte un engin particulièrement
redoutable dans les petits airs, mais
d'une très faible stabilité initiale.
Les deux bateaux engagés ont
été construits dans le même moule.
Il n'existe entre eux qu'une faible
différence de poids, 495 kg pour
Alacrem, 490 kg pour Eorum dans
les conditions de mesure.
Le lest fixe de 100 kg est scellé
dans les fonds de chaque côté du
puits contenant une dérive sabre de
25 kg, assez encombrante devant la
descente.
Particulièrement à l'aise dans le
petit temps, ces bateaux auraient
probablement éprouvé quelques
difficultés si la brise avait dépassé la
force 3, comme le souhaitaient bon
nombre de concurrents, plutôt
équipés pour la brise.
Le constructeur ne pense donc
commercialiser qu'une version as-
sagie, alourdie et munie d'un lest fi-
xe. Espérons que les performances
ne s'en ressentiront pas outre me-
sure.
NUITS BLANCHES. Cette coque
originale avec ses deux dérives pin-
cées est le fruit d'une longue réfle-
xion d'un architecte diplômé, venu
récemment à la plaisance par le dé-
riveur, puis par le croiseur côtier .
Suivant ses propres termes :
« ayant constaté le manque de qua-
lités sportives et de performances
des petits croiseurs côtiers actuels
en regard de la jeune clientèle for-
mée au dériveur », il a trouvé
« dans la Micro Cup un prétexte rê-
vé pour mettre en pratique ses
idées sur ce type de bateau ».
Du point de vue de l'habitabilité,
les deux puits des dérives, dissimu-
lés dans les flancs de couchettes,
n'apportent aucune gêne. Ayant
vécu les nuits chaudes des mouilla-
ges de Corse, l'architecte a été jus-
qu'à prévoir une tente de cockpit
qui permet de coucher sur les lon-
gues banquettes, calculées à cet ef-
fet. En fait, le gros intérêt du bateau
de Jean-Louis Noir est d'avoir été
pensé aussi bien en fonction des
performances que des nombreuses
suggestions de la croisière. Ainsi,
un tirant d'eau très faible, dérives
hautes, autorise les mises à j'eau
sans grue. Il permet aussi de pou-
voir tirer le bateau au sec au lieu de
souffrir les affres des mouillages,
agités et encombrés.
La carène, elle-même, sort de
l'ordinaire. Totalement dissymétri-
que avec son avant pincé et un ar-
rière très porteur comme dériveur ,
son dessin est basé sur deux axes
longitudinaux, correspondant aux
deux positions de gîte occupées par
la coque pendant le louvoyage. A
12° de gîte, la dérive sous le vent
utilisée se trouve donc dans l'axe de
la carène immergée. Le bateau à
plat, les dérives jouent un rôle de
frein et il faut les remonter. Pour le
grand largue, Jean-Louis Noir par-
lait, après les courses de la Micro
Cup, de rajouter une petite dérive
centrale dans l'axe du bateau.
Il s'est également rendu compte
que la gîte optimale, pour un équi-
libre cap et vitesse de près, se si-
tuait vers 22° et non aux 100 prévus
théoriquement. La pesée a aussi
montré que la coque pourrait per-
dre 90 kg, soit le poids d'un équi-
pier musclé, et améliorer ainsi ses.
performances dans le petit temps.
C'est pour pouvoir continuer à
mettre au point ce bateau inédit et
expérimenter valablement plusieurs
solutions que le constructeur de
Nuits Blanches désire constituer
une sorte de syndicat, formé de
coureurs intéressés. Il leur propose
de tirer un moule pour fabriquer un
certain nombre de coques sur les-
quelles on pourrait tester diverses
solutions, particulièrement en ma-
tière de plan de dérive.
Ce groupe bénéficierait des con-
seils techniques de spécialistes du
gréement et de la voilure qui accélé-
reraient la rapidité et la qualité de la
mise au point. Une offre attirante
pour des amateurs, prêts à un tra-
vail d'équipe !
A propos du règlement
Nous recevons beaucoup de let-
tres de concurrents n'ayant pas ter-
miné leur prototype à temps et de
lecteurs désireux de préparer un ba-
teau pour 1978. Nombre d'entre
eux nous posent la question
d'éventuelles modifications du rè-
glement.
La nouvelle édition du règle-
ment Micro Cup sera prête dans
le courant du mois de novem-
bre. N'hésitez pas à nous écrire
pour nous exposer un problème
particulier .
Dans l'ensemble, la pratique a
largement confirmé le bien fondé
des restrictions imposées. L'expé-
rience de Lorient a toutefois mis en
lumière l'intérêt d'une mesure addi-
tionnelle concernant la stabilité ini-
tiale. Nous mettons au point actuel-
lement une formule qui doit per-
mettre d'exclure des solutions ex-
trêmes, empêchant une utilisation
réelle en croisière côtière. Nous étu-
dions à cet effet un contrôle effectif
de la stabilité, avec des mesures
précises tant à 90° qu'aux faibles
angles, qui puisse remplacer avan-
tageusement les restrictions sur le
poids du lest, donnant lieu à une
vérification un peu délicate.
En matière de voilure, les opéra-
tions de jauge se sont déroulées
sarn problème particulier, en dépit
de certaines prévisions pessimistes.
Pour aller dans le sens de la simpli-
cité, nous examinons de près la
suggestion de Philippe Harlé, visant
à réduire les mesures de spi au péri-
mètre total (ralingue + base). Tou-
tes les idées aussi intéressantes
sont les bienvenues !
En revanche, un architecte a pro-
fité d'une certaine possibilité d'in-
terprétation du texte, réglementant
l'espace entre les couchettes pour
réaliser un croiseur côtier où la lar-
geur minimale de 30 cm, prévue
pour pouvoir poser les pieds sur le
plancher, est coupée en deux par Je
puits de dérive. La course est la
course et les Microcupers ont une
vocation sportive. Nous veillerons
cependant à ce qu'ils restent aussi
des croiseurs côtiers habitables.
Didier MAUPAS
Le jaugeage
L'expérimentation d'une nouvelle
formule de mesures laisse toujours
une certaine appréhension à ses au-
teurs lorsqu'il s'agit de passer de la
théorie à la pratique. Aucune sur-
prise désagréable n'est apparue
dans ce domaine et, grâce aux mo-
yens réunis - une piscine remplie
d'eau de mer permettant de placer
les bateaux dans leur assiette exac-
te et une grue hydraulique ma-
noeuvrée par un véritable expert -
la durée nécessaire aux mesures du
tirant d'eau, de poids, de gabarits
(longueur, largeur, safran) ne pre-
nait pas plus d'un quart d'heure,
depuis l'instant où le bateau était le-
vé de sa remorque jusqu'à celui où
il y était posé à nouveau ou mis à
l'eau.
L'opération se déroulait en deux
temps. En premier lieu le bateau
était posé sur un sol dont nous
avions vérifié l'horizontalité dans
une tolérance de 5 mm. Après avoir
mesuré la hauteur à la base du ta-
bleau et l'avoir reportée à l'étrave
ainsi que (pour les dériveurs} la hau-
teur de dérive dépassant sous la co-
que, le bateau était placé dans la
piscine. Amené en butée sur un ga-
barit arrière fixe et très simple, puis-
que constitué de deux tasseaux ver-
ticaux équerrés, on présentait le ga-
barit avant, constitué d'une sorte
d'équerre confectionnée à l'angle
de la pente d'étrave et recalée à
chaque fois au niveau à bulle.
La position longitudinale de ce
gabarit était corrigée en fonction de
l'élévation du niveau d'eau dans la
piscine, due à l'immersion de la ca-
rène.
Des mesures à terre et des gaba-
rits, montés sur la piscine, permet-
taient de contrôler longueur et ti-
rant d'eau.
A ce stade, des retouches s'avé-
rèrent nécessaires sur un certain
nombre de bateaux soit en rabot-
tant l'étrave, soit, comme cela avait
été prévu sur les deux Edel II modi-
fiés, en réduisant la longueur de la
jupe arrière. Un concurrent malheu-
reux avait simplement oublié la pen-
te de l'étrave et renonça à couper
l'avant ou l'arrière de sa coque et
par là même à courir. Quelques dé-
rives durent être raccourcies ou leur
butée modifiée.
Les hauteurs des marques avant
et arrière, la moyenne ayant été cal-
culée, permettaient par déduction
des hauteurs précédemment mesu-
rées à terre, de définir le tirant d'eau
exact. Les francs-bords étaient pra-
tiquement tous largement au-
dessus du minimum, surtout à l'ar-
rière, et aucun n'avait utilisé à fond
l'inclinaison du tableau.
Le poids était mesuré à 5 kg près,
grâce à un peson placé sur le cro-
chet de grue. Si aucun n'a atteint le
poids minimum de 450 kg, plusieurs
ont eu du mal à ne pas dépasser le
maximum de 550 kg, ce qui, con-
trairement à de nombreuses criti-
ques émises, a montré que cette
fourchette n'était pas trop haute.
Un lest dut être augmenté pour at-
teindre le minimum de 25 % du
poids total.
Deux personnes ont suffi pour
ces mesures, aidées de deux « ma-
nutentionnaires ».
En ce qui concerne les emména-
gements, des solutions intéressan-
tes furent présentées sur lesquelles
nous reviendrons mais c'est en gé-
néral les plus simples qui satisfèrent
le mieux aux critères exigés. Et il a
été réconfortant pour l'esprit de
constater que les concurrents ayant
respecté la lettre et l'esprit de règle-
ment ont obtenu des bateaux très
confortables, donnant parfois
l'impression d'un volume habitable
étonnant alors que ceux qui ont
cherché à tourner plus ou moins le
règlement ont abouti à des solu-
tions assez peu valables.
Deux « dérogations » furent ac-
ceptées par le jury de course con-
cernant des bateaux dessinés et
partiellement construits avant la
création de la Micro Cup pour Flet-
cher Lynd et Brigantine, dont les
emménagements, s'ils ne corres-
pondaient pas exactement à la let-
tre du règlement, en conservaient
tout l'esprit. L'équipage du premier
en particulier descendu la Seine et
contourné la Normandie et la Bre-
tagne, du Havre à Lorient, en un
mois de navigation et de vie conti-
nue à bord .
L'essai de stabilité positive à 90°
de gîte était également un de nos
sujets d'inquiétude; tous y ont sa-
tisfait y compris les dériveurs avec
leurs dérives ou quilles relevées. En
revanche, il semble qu'il sera néces-
saire de prévoir un essai de stabilité
initiale pour décourager les flottai-
sons trop étroites recherchées dans
le but de réduire la surface mouillée
et qui nuisent au confort à bord.
Bien que toujours indirectement,
nous savions que quelques voiliers
rechignaient à effectuer les mesu-
res nécessaires à l'établissement
des fiches que nous leur deman-
dions de remplir. En fait, l'équipe
dirigée par Pierre Robic, jaugeur de
la F.F.V., n'a même pas eu besoin
de deux journées pour mesurer les
quelques 80 voiles présentées par
les concurrents.
Si les différences relevées avec
les mesures prises par les voiliers
ont généralement été faibles, nous
avons été étonnés de constater que
certains d'entre eux et non des
moindres étaient incapables d'ef-
fectuer correctement les quelques
opérations élémentaires nécessai-
res au calcul des surfaces. Il y a là
certainement une clientèle poten-
tielle pour les vendeurs de calcula-
trices !
Plus grave est le fait que certains
concurrents se sont retrouvés avec
des voiles très nettement plus peti-
tes (jusqu'à 10 %) que celles qu'ils
avaient commandées. . . et payées !
Trois équipes: grand'voile, focs
et spi, disposaient d'un sol propre
sur lequel elles pouvaient étaler les
voiles et prendre les mesures.
Aucune tension n'était appli-
quée, les plis étaient seulement
soigneusement éliminés. Une petite
calculatrice programmable par fiche
magnétique (prix 2000 F) permettait
en quelques secondes d'obtenir des
résultats partiels et totaux.
Nous avons été heureux de cons-
tater au cours de toutes ces opéra-
tions, la parfaite collaboration et la
sportivité des équipages.
Il peut bien évidemment exister
des moyens plus simples, ou tout
au moins davantage à la portée de
tous, pour vérifier la jauge d'un
Microcuper. En voici un :
1ère opération. Le bateau étant à
l'eau placer sur l'étrave une marque
juste au ras de la flottaison. A l'ar-
rière, relever la hauteur h du bas du
tableau à la surface de l'eau.
2° opération. Le bateau étant po-
sé sur sa quille, sur un sol ou un
bastaing vérifié au niveau à bulle,
on le cale longitudinalement de fa-
çon à obtenir à l'arrière une hauteur
de bas du tableau T + h égale à cel-
le de la marque d'étrave T augmen-
tée de la valeur h relevée précédem-
ment. Le tableau se retrouve exac-
tement dans les conditions d'assiet-
te qu'il a sur l'eau.
Un fil à plomb contre le tableau
permet de marquer sur le sol l'origi-
ne o des longueurs. De cette origi-
ne et vers l'avant, on porte une lon-
gueur égale à 5,25 m moins le tirant
d'eau T multiplié par 0,357. Pour le
tirant d'eau de 1 m d'un bateau à
quille fixe cela donne 5,25 m -
0,357 m = 4,893 m.
De ce point il suffit d'élever un
tasseau incliné à la pente de l'étrave
(0,357 pour 1 m) pour voir si celle-ci
entre dans le gabarit.
Pour un dériveur, on effectuera
ce contrôle dérive rentré en posant
le bateau directement sur le sol ou
le bastaing et on mesurera ensuite
la hauteur de sortie de la dérive.
Pierre GUTELLE .