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Jean (Grangibus)

Message par Jean (Grangibus) »

Article de Jean-Yves Bernot dans le N° 80 des Cahiers de Régates

Jouer avec les rafales


Risées ou rafales ?
Avant toute chose, il est Important de faire une distinction entre ce que nous appelons les rafales et les risées. Dans notre langage approximatif de régatiers, nous allons appeler plutôt « risées » ces zones de vent que nous pouvons apercevoir se promenant sur le plan d'eau par tout petit temps. Les risées sont bien identifiables et ont une durée de vie de quelques minutes au minimum. Nous pourrons aller les chercher et les utiliser. Nous appellerons « rafales » les surventes de courte durée que nous subissons dans un flux ayant déjà une certaine vitesse (en règle générale dans un vent supérieur à 6 noeuds). Nous les subissons et il faudra être réactif pour les exploiter au mieux. Enfin, si nous rencontrons des rafales, c'est que nous aurons aussi des molles!

Qu'est-ce qu'une rafale ?
D'où viennent les rafales ?
Les rafales que nous ressentons sur un plan d'eau peuvent provenir de plu¬sieurs sources :
-par vent de terre, le vent nous raconte sa vie, les obstacles qu'il a eu à contourner etc. Dans ce cas, les rafales sont franchement aléa¬toires, et nous chercherons surtout à nous positionner là où le vent reste systématiquement plus fort (zone de convergence, sortie de vallées etc.)
- les rafales liées à la turbulence de la masse d'air. Ce sont celles-ci que nous allons détailler maintenant.

• Tactique et Météorologie

Structure fine des rafales et des molles
La turbulence naturelle du flux, dès que la vitesse du vent dépasse 6 noeuds, amène des variations du vent moyen que nous appelons rafales et molles. Cette turbulence se traduit en général par des tourbillons à axe horizontal se déplaçant dans la masse d'air et échangeant vitesse et énergie les uns avec les autres. C'est la rencontre de ces tourbillons avec la surface qui amène rafales et molles. Nous pouvons les visualiser facilement sur un enregistrement anémométrique. Ces tourbillons don¬nent lieu à des zones alternées de vent descendant et ascendant, donc à des zones de vent plus fort (les rafales) alternant avec celles de vent plus faible (les molles). L'arrivée de l'air d'altitude sur l'eau est en général visible: c'est la rafale. De manière simple, nous pouvons dire qu'elle se déplace à la vitesse et dans la direction du vent moyen.
La lecture d'un enregistrement de vent à l'échelle fine montre que:
- la moyenne des surventes est d'en¬viron 15 % au-dessus de la valeur moyenne du vent,
- la moyenne des molles est d'environ 15 % au-dessous de la valeur moyenne,
-la valeur moyenne est rarement tenue,
-les rafales durent plus longtemps que les molles,
- les rafales ont en général une forme en fer à cheval, s'étalant sur 100 à 200 m de large, et elles durent entre 1 et 3 minutes (voir dans la suite du sujet),
- les rafales sont espacées différem¬ment selon la force du vent : 200 m entre 5 et 15 noeuds, 800 m vers 20 noeuds,
- la corrélation entre rafales et direc¬tion du vent n'est en général pas claire, en tout cas beaucoup moins que ce que l'on trouve dans les bouquins....

Dans les rafales, est-ce que le vent tourne toujours dans le même sens ?
Comme rien n'est jamais blanc ou noir, la meilleure réponse est celle d'un Normand: faut voir !
Dans le cas général, il n'y a pas de corrélation entre rafales et direction du vent.
Ce sera à coup sûr le cas dans les situations suivantes:
• Sous le vent d'un relief.
• Lorsque le substrat est très chaud, ou si vous naviguez au voisinage d'une côte surchauffée. La turbu¬lence est tellement importante que les rafales sont sauvages et réparties irrégulièrement.
• Si l'air est très stable Ia turbulence est de faible amplitude donc !es rafales réparties au hasard.
• Les brises thermiques: il n'y a qua¬siment pas de corrélation entre la direction des rafales et leur force.
• Rafales annonçant un nouveau vent : il arrive assez souvent que !'établissement d'un nouveau vent se fasse sentir « par le haut ». Si les rafales présentent presque toutes des caractéristiques iden¬tiques, nous pourrons parier sur l'établissement d'un vent annoncé par les caractéristiques des rafales.
Cas particulier ou il y a une corrélation
Dans l'hémisphère Nord, le vent d'altitude est plus à droite que le vent de surface. Donc, lorsqu'il atteint la surface, le vent est plus à droite que !e vent moyen. C'est l'explication classique que nous don¬nons aux rafales. Nous allons ren¬contrer cette situation si la turbulence est d'assez grande amplitude pour amener rapide¬ment en surface de l’air provenant de quelques centaines de mètres d'altitude (c'est le cas si !'air est réchauffé par le bas et la situation plutôt dépressionnaire). Par exemple, par des vents de NW, que nous trouvons sur nos côtes derrière les fronts froids, le vent aura une forte tendance à tourner à droite dans les rafales.

Utiliser les rafales
Nous voudrions profiter de la variation du vent en force mais aussi en direc¬tion. Si le bateau a des réactions rapides, nous pourrons éventuelle¬ment virer pour profiter des séquences adonnantes refusantes (dériveur, petit monotype ). Si ce n'est pas le cas, nous utiliserons seulement les variations de force du vent pour foire des gains
Au près, cas d'un bateau virant rapidement
Le jeu est de se positionner correcte¬ment par raport aux rafales et d'utiliser les bascules pour faire du gain vers la marque, gain qui peut être spectaculaire. Il est important de virer avant que la rafale ne touche le bateau pour l'utiliser à pleine puis¬sance.

Au près, cas des rafales courtes ou d'un bateau lourd
Si les rafales sont trop courtes ou le bateau trop lourd pour que l'on puisse utiliser les variations de direction du vent, nous utiliserons quand même les variations de vitesse du vent pour garder le bateau à plat et pour, naviguer « en escalier ».
La première chose est de maintenir le bateau « sur ses pieds » en ne le lais¬sant pas gîter intempestivement à chaque rafale. Un équipier doit annoncer les rafales, et le régleur de grand-voile se débrouillera pour éviter que le bateau ne se vautre (ou fasse l'ascenseur en multicoque). Il est étonnant de voir combien sont rapides les bateaux bien réglés où l'on sait garder une gîte constante.
De même, les molles doivent être anticipées.
La seconde est de naviguer « en escalier ». On en rappelle le principe : il faut attendre que le bateau ait atteint la vitesse cible correspondant au nouveau vent avant de changer de cap. Le faire alors rapidement.
À titre d'exemple, au près, lorsque le vent réel forcit, nous ressentons une adonnante du vent apparent. On optimisera le rendement du bateau en ne la traitant pas comme une variation de direction du vent réel, mais en laissant le bateau accélérer, avant de changer de cap (lofer) assez sèchement. A contrario, au près, lorsque le vent réel mollit, on res¬sent une refusante du vent apparent. On optimisera le rendement du bateau en ne la traitant pas comme une variation de direction du vent réel, mais en gardant le bateau un peu haut pour profiter du VMG ainsi créé, avant d'abattre sèchement au nouveau vent apparent.

Forme des rafales au prés
Le bord d'attaque de la rafale est en forme de fer à cheval, autour duquel le vent part en éventail. Si l'on se dirige vers l'axe de la rafale, la rafale nous touchera en refusant. Si l'on se dirige vers les bords de la rafale, la rafale nous touchera en adonnant.
L'idéal est donc d'attaquer les rafales sur le côté du « fer à cheval » où le vent adonne le plus. On essaiera donc de passer de rafales en rafales en visant les bords extérieurs des éventails, que l'on aura peut-être la chance de voir sur l'eau.
La suite et les dessins bien pratiques dans les
Cahiers de Régates N° 80 - Octobre 2003
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